Sémiosine

Hennessy X.O. : le goût de l’expérience selon Ridley Scott

« Each drop is an odyssey » :  après Nicolas Winding Refn en 2016, c’est au tour de Ridley Scott de plonger dans les mondes du cognac X.O. d’Hennessy et de proposer sa conception de ce que peut être une publicité expérientielle. 

L’époque est aux expériences, à vivre, à faire vivre, à partager. Qu’on parle d’un quotidien à magnifier, d’un voyage à l’autre bout du monde ou d’un achat dans une boutique instagrammable, ce mot même d’”expérience” semble être sur toutes les lèvres. Dans le domaine du marketing, il touche notamment la conception des espaces de vente et des sites web qui deviennent les vitrines innovantes de ce qu’une marque entend faire vivre à ses clients/visiteurs, fidèles ou à fidéliser. Car les clients ne se contentent plus d’acheter, ils exigent de vivre un moment fort et de sortir “augmentés” de leur contact physique et/ou virtuel avec la marque.

Lorsqu’il s’agit de publicité, il est cependant plus difficile de définir les formes que peut prendre une expérience quand la majorité des spots tirent sur la corde émotionnelle et tentent de faire rire ou d’émouvoir un spectateur en quête d’histoires. C’est pourtant le pari que semble s’être fixé Hennessy avec le nouveau film de Ridley Scott. La marque y invite le spectateur à s’immerger dans une goutte de cognac et à en ressentir les effets par une plongée dans l’univers stylistique, fictionnel et référentiel d’un réalisateur aux films cultes.

7 chapitres, comme les 7 merveilles d’un monde extraordinaire, se succèdent, aux titres qui fonctionnent comme autant d’évocations linguistiques des goûts dans une gradation qui mène du doux à l’épicé puis de l’amer au boisé, en une explosion de saveurs répétées à l’infini (à chaque gorgée) : ‘Sweet Notes” – “Rising Heat” – “Spicy Edge” – Flowing Flame” – “Chocolate Lull” – “Wood Crunches” – “Infinite Echo”. Réunis, ces 7 chapitres évoquent les étapes d’une dégustation de ce nectar précieux : de l’onctuosité initiale au goût épicé puis à l’explosion de chaleur avant un adoucissement et une saveur qui s’atténue tout en demeurant en bouche longtemps après son ingestion.

Le film de Ridley Scott  se propose ainsi d’approcher visuellement et, par un effet de kinesthésie, sensoriellement les effets de l’alcool, à la fois les états dans lesquels il peut nous plonger – ivresse, surexcitation ou au contraire élévation spirituelle –  et les images qu’il peut faire naître dans nos esprits. Boire du cognac devient ainsi une “odyssée” de l’instant qui convoque tous les sens et tous les possibles. Le cognac n’est plus ce simple breuvage alcoolisé, un peu vieillissant en France, mais un générateur d’images et d’imaginaires pour un consommateur qui ajoutera au film les chapitres qu’il souhaite, selon ses goûts, son imagination, ses perceptions.

Par l’expérience proposée et les références culturelles à un cinéma populaire et grand public (les films de Ridley Scott, de science fiction, les bandes dessinées de Moebius, etc.), le discours de la marque se veut transgénérationnel et fédérateur. Sans montrer le cognac Hennessy autrement qu’au dernier plan en packshot par la valorisation de sa bouteille iconique, cette publicité immersive et résolument expérientielle peut ainsi s’adresser à tout public, initié comme profane.
Un dispositif filmique étonnant mais surtout ingénieux lorsqu’il est question d’une communication axée sur l’alcool, ce domaine pas comme les autres soumis à une législation stricte. Qui plus est pour le cognac qui se distancie ainsi de la représentation stéréotypée « alcool masculin de prestige » sur laquelle les marques, en France, capitalisent depuis (trop ?) longtemps.

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