Sémiosine

Interview #12 : Publicité outdoor et storytelling

Rencontre avec Bruno Bicalho Carvalhaes, directeur artistique à l’origine, notamment, des campagnes Better Call Saul pour Netflix et Water for Africa.

Rue du Bourg Tibourg, en juillet dernier. Bruno a accepté de nous rencontrer pour parler de campagnes auxquelles il a participé et qui lui tiennent à coeur. Jeune directeur artistique d’origine brésilienne, il a d’abord travaillé dans la publicité à Belo Horizonte avant de venir en France pour y poursuivre ses études en communication et sémiologie à l’université Paris Descartes. Embauché chez Ogilvy à l’issue de son stage, il travaille aujourd’hui chez TBWA, en tandème avec Antoine Gauquelin, concepteur-rédacteur avec qui il développe la plupart de ses projets depuis quelques années.

Quand on lui parle process de création, Bruno a un avis tranché : une bonne idée est celle qui va faire naître l’adhésion sans qu’on ait besoin de l’expliquer. Et c’est là le plus difficile : il faut trouver à la fois “l’image-clé”, celle dont tout le monde va se souvenir, et le twist qui transformera une simple campagne de pub en campagne mémorable voire en buzz. Et la sémiologie dans tout ça ? Elle lui sert surtout à comprendre et développer un brief créatif, notamment lorsqu’il est mal rédigé. Une fois le sens et la cohérence de l’ensemble établis, place à la recherche d’idées et au travail proprement créatif.

Des campagnes qui lui tiennent particulièrement à coeur, nous en avons retenu trois, que Bruno a accepté de commenter avec nous.

Better Call Saul, campagne d’affichage pour Netflix (2015)

Sémiosine : Bel exemple d’intrusion de la fiction dans l’espace réel et dispositif de transmédia storytelling réussi puisque le futur spectateur devient un élément à part entière de l’histoire. Comment est née l’idée de cette campagne d’affichage ?

Bruno Bicalho Carvalhaes : L’idée était de proposer les conseils de l’avocat véreux au cœur de la série, sur des affiches accrochées façon guerilla marketing un peu partout dans Paris pendant quatre jours. On a ainsi créé une trentaine de messages différents, validés par le service juridique de l’agence. Et la campagne a marqué les esprits. On a eu quelques problèmes devant les écoles (cf. le conseil n°237), certaines affiches n’ont tenu que quelques minutes avant d’être arrachées par des enseignants. Mais dans l’ensemble, ça a été plutôt bien accepté, et la campagne nous a permis de remporter un lion d’argent à Cannes.

Mobilier urbain, campagne outdoor pour IBM (2013)

Sémiosine : Ici l’immersion du récepteur dans le discours de marque est totale puisqu’il va pouvoir utiliser un mobilier urbain original et innovant en lien avec les innovations technologiques de la marque informatique.

Bruno Bicalho Carvalhaes : Le brief était « ouvert », et traînait à l’agence depuis un certain temps. Je suis arrivé sur ce projet juste après l’émergence du concept, qu’il fallait développer. On voulait plonger le passant dans l’univers de la marque, et on a alors eu cette idée de créer du mobilier urbain en 3D. On l’a d’abord accroché partout dans l’agence, et au départ tout le monde trouvait ça joli, sans plus. Les choses se sont accélérées sur les conseils du big boss américain qui aimait ce projet qui touchait un gros client de l’agence. Résultat : là encore, des prix à Cannes pour une campagne dont on était vraiment fier.

Water for Africa (2015)

Sémiosine : Pour nous cette campagne est très forte parce qu’elle parvient notamment à déculpabiliser les gens qui deviennent eux-mêmes moteurs du changement s’ils le veulent. Elle a d’ailleurs été très relayée sur les réseaux sociaux. Comment avez-vous réussi à mettre en place ce dispositif ?

Bruno Bicalho Carvalhaes : C’est le projet qui me tient le plus à cœur. J’ai travaillé dessus pendant 3 ans. Il a d’abord fallu que l’association Water For Africa parvienne à convaincre les villageois du bien fondé de l’opération. Je me suis également rendu sur place à leur rencontre pour tout préparer avec eux. Mais la première année, Siabatah Sanneh n’a pas obtenu son visa et tout a failli être définitivement annulé. C’était sans compter sur la ténacité de Sophie Gressier qui gérait le projet à l’époque chez Ogilvy et qui s’est battue un mois pour que Siabatah obtienne son visa en 2015. Siabatah Sanneh et ceux qui l’accompagnaient n’étaient jamais sortis de Gambie, ils ont débarqué à paris. On a eu peur pendant tout le marathon qu’elle se fasse expulser par le service d’ordre, à cause des pancartes qu’elle portait, mais les quelques tentatives de la sécurité dans ce sens ont échoué puisqu’elle était officiellement inscrite. Après le marathon, je les ai raccompagnés en Gambie où j’ai tourné un film sur les résultats de l’opération : la construction d’un puits, donc la face très concrète de l’opération. Tout le monde a été formidable. Une expérience extraordinaire et des rencontres très fortes.

En résumé : Trois exemples de storytelling inclusif qui intègre pleinement le récepteur dans le dispositif de communication : client potentiel de l’avocat de Better Call Saul, utilisateur du mobilier urbain intelligent d’IBM, spectateur potentiellement acteur de la lutte pour l’accès à l’eau en Afrique. Trois exemples surtout qui montrent les possibilités narratives qu’offre la publicité outdoor. 

Plus d’infos sur le travail de Bruno en cliquant sur ce lien.

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